L'histoire

Son calvaire dure depuis 167 jours.
Mikhail Loshchinin : une affaire de trahison fabriquée en Russie
Ces dernières années, la Russie a considérablement accru les poursuites pour « haute trahison », souvent fondées sur des accusations fabriquées ou extrêmement larges. Des actes mineurs — tels que des messages privés, des commentaires en ligne ou de petits transferts d’argent — peuvent désormais conduire à de lourdes poursuites pénales. Les personnes disposant d’une double nationalité et les Russes ayant vécu à l’étranger sont particulièrement exposés.
Arrestation à la frontière
À l’été 2025, Mikhail Loshchinin, citoyen belgo-russe de 48 ans, a décidé de se rendre en Russie pour rendre visite à son père, récemment victime d’une crise cardiaque. Ces dernières années, Mikhail vivait en Allemagne et travaillait comme administrateur de bases de données au Luxembourg.
Le 1er juillet 2025, il a franchi la frontière lettono-russe à moto au poste de contrôle d’Ubylinka (région de Pskov), en utilisant son passeport russe. Les gardes-frontières russes ont confisqué son téléphone pour inspection et auraient découvert des contacts en Ukraine — ce que Mikhail n’a jamais considéré comme illégal.
Selon sa famille, les agents des frontières ont ensuite monté une provocation : ils l’auraient escorté dans une zone frontalière restreinte sous prétexte de lui montrer un magasin, avant de l’arrêter immédiatement pour entrée illégale présumée dans cette zone.
Un mois de détention sans inculpation
Au lieu d’être formellement arrêté, Mikhail a été placé sous surveillance à l’hôtel « Dubrava » dans la ville de Pytalovo, où il est resté près d’un mois (juillet 2025). Son passeport, son téléphone et les documents de sa moto ont été confisqués, et il ne pouvait pas quitter les lieux sans escorte. Aucune charge officielle n’a été retenue contre lui durant cette période.
Le 2 août 2025, des agents non identifiés l’ont emmené de l’hôtel et l’ont transporté pendant plusieurs jours à travers la Russie. Pendant un certain temps, sa famille est restée sans nouvelles de lui et ignorait où il se trouvait.
Transfert secret et torture
Il est apparu par la suite que Mikhail avait été transféré à Stary Oskol (région de Belgorod), où il a été détenu dans un établissement utilisé pour des prisonniers de guerre ukrainiens.
Selon le témoignage de Mikhail à son avocat, il a subi des violences physiques et psychologiques, notamment des coups, la nudité forcée, la privation de ses lunettes (il a une vue de –8) et des intimidations constantes. Sa famille estime que l’objectif était de le briser et de le contraindre à signer des documents.
Il a été forcé de signer une déclaration affirmant faussement qu’il circulait librement en Russie jusqu’au 21 août, malgré des preuves documentées attestant de sa détention.
nculpation officielle : haute trahison
Le 21 août 2025, Mikhail a enfin pu appeler sa famille depuis le centre de détention provisoire de Pskov (SIZO-1). Il a indiqué être poursuivi en vertu de l’article 275 du Code pénal russe (haute trahison), pour avoir prétendument « financé des représentants d’un État étranger hostile à la Fédération de Russie ».
L’accusation semble reposer sur un transfert d’argent privé effectué en 2022 à une ancienne partenaire vivant en Ukraine. Des avocats spécialisés en droits humains soulignent que les autorités russes prétendent souvent, sans preuve, que de tels bénéficiaires seraient liés aux forces de sécurité ukrainiennes.
Santé gravement menacée
L’état de santé de Mikhail s’est fortement dégradé en détention. Il souffre de graves troubles de la vision, et des médecins l’avaient averti en 2024 qu’une intervention chirurgicale urgente serait nécessaire en cas d’apparition de symptômes rétiniens. Ces symptômes ont désormais commencé, ce qui fait craindre une perte définitive de la vue si les soins appropriés lui sont refusés.
Il a fêté ses 48 ans le 10 novembre 2025 alors qu’il était en détention.
Un schéma plus large de répression
Selon des estimations indépendantes, au moins 148 personnes ont été poursuivies pour des infractions liées à la trahison en Russie en 2023, et 115 nouvelles affaires de trahison ont été ouvertes au seul premier semestre 2025 — soit deux fois plus que sur la même période en 2024. Les organisations de défense des droits humains estiment que les chiffres officiels sous-évaluent largement la réalité.
Les avocats rappellent que les condamnations au titre de l’article 275 peuvent entraîner des peines allant jusqu’à 13 ans de prison, et que la libération n’est souvent possible que dans le cadre d’échanges de prisonniers politiques.
Accès international refusé
Malgré la nationalité belge de Mikhail, les autorités russes ont à plusieurs reprises refusé l’accès consulaire, affirmant que la Russie ne reconnaît pas sa seconde nationalité.
Qui est Mikhail ?
Mikhail Loshchinin est décrit par sa famille et ses amis comme apolitique, profondément engagé dans la culture et les arts, musicien, technicien de théâtre et passionné de moto. Il a activement promu la culture russe au sein de communautés européennes et collaboré avec de petits théâtres russophones à l’étranger.
Il n’a aucun antécédent judiciaire et aucun lien connu avec la politique ou des questions de sécurité.
Appel au soutien
La famille et les amis de Mikhail appellent à une attention internationale, à un plaidoyer public et à des pressions politiques, en particulier de la part des institutions belges et européennes. Son cas illustre le danger croissant auquel sont confrontés les binationaux et les Russes ayant des liens à l’étranger.
Mikhail Loshchinin est innocent. Sa détention est arbitraire. Sa santé est en danger.
Son calvaire dure depuis 167 jours.